As-tu déjà entendu parler de bigorexie? C’est l’un des plus surnois trouble de l’alimentation, tellement que beaucoup d’entre nous Peut-être as-tu toi-même vécu avec cette condition sans même en avoir conscience. Elle est sournoise et pourra se frayer une place dans la tête de plusieurs d’entre nous sans prévenir.
En raison de mon travail de nutritionniste, je passe pas mal de temps à parcourir les médias sociaux. C’est une excellente façon pour moi de rester à l’affût des tendances en matière d’alimentation. Récemment, je remarque de plus en plus de gens qui tentent d’optimiser leur alimentation à tout prix. Il y en a même qui vont jusqu’à faire plusieurs heures d’exercices tous les jours, comme s’ils étaient des athlètes de haut niveau. On a souvent tendance à se comparer à ces gens là et a admirer toute la motivation et la discipline dont ils font preuve.
Le problème, c’est que plusieurs de ses comportements cachent plus de souffrance qu’on peut le penser. Il est donc primordial de distinguer l’obsession des saines habitudes de vie.
Qu'est-ce que la bigorexie?
Plus communément, la bigorexie est surnommée « dysmorphie musculaire », « anorexie inverse » ou « megarexia ». Tout comme l’orthorexie, on la nomme également « trouble alimentaire non spécifié » dans certaines ressources. Elle se glisse dans la vie des gens sans qu’ils ne le réalisent. Avec le temps, elle prend souvent racine de plus en plus profondément dans leur tête.
Il s’agit alors d’une condition émergente caractérisée par un désir puissant d’accumuler de plus en plus de masse musculaire. Cette dernière a été décrite plus officiellement pour la première fois au début des années 90, dans un projet de recherche mené par Pope et son équipe.
Il est également primordial de mentionner que les individus atteints de bigorexie désirent acquérir une plus grande musculature, tout en ne prenant pas de graisse. Les individus atteints ont l’impression constante d’être trop mince et faibles.
Un trouble alimentaire?
La bigorexie N’EST PAS un trouble alimentaire officiellement répertorié dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux et des troubles psychiatriques de l’Association américaine de Psychiatrie (DSM-5). Pour le moment, il n’y a pas suffisamment de preuves pour considérer cette dernière en tant que diagnostic distinct. En 2013, elle a été ajoutée à ce manuel en tant que spécificateur du trouble dysmorphique corporel. Cette catégorie se trouve sous le titre principal « Troubles obsessionnels compulsifs et troubles apparentés ».
« La dysmorphie musculaire est une forme de trouble dysmorphique corporel qui se caractérise par la croyance que la corpulence d'une personne soit trop petite ou insuffisamment musclée. »
Bien qu’elle n’ait pas une section à elle seule dans le DSM-5, la bigorexie peut causer tout autant de détresse psychologique à ceux qui la côtoient au quotidien. Il s’agit sans aucun doute d’une condition psychiatrique distincte du désir de prendre soin de soi en augmentant sa musculature.
TRADUCTION DU DSM
Avec dysmorphie musculaire : L’individu est préoccupé par l’idée que sa corpulence est trop petite ou insuffisamment musclée. Ce spécificateur est utilisé même si l’individu est préoccupé par d’autres zones du corps, ce qui est souvent le cas.
Substances dopantes
Bien que l’utilisation soit plus fréquente chez les hommes sportifs, tout particulièrement les culturistes*, tout le monde peut se laisser tenter. Les utiliser c’est faire d’énormes compromis sur sa santé pour obtenir la silhouette de ses rêves, même si celle-ci n’est pas réaliste pour notre génétique. Les substances dopantes comme les stéroïdes anabolisants peuvent avoir un impact négatif à long terme sur la balance hormonale de notre corps.
* Le culturisme, ou le bodybuilding en anglais, est « la poursuite d’un physique musclé à travers un régime de musculation et un programme de nutrition sur mesure. Dans le sport du culturisme compétitif, les individus montrent leur physique à un panel de juges, qui notent chaque participant sur la base de la taille, de la symétrie et de la définition de sa musculature. » (source)
L’utilisation prolongée de ce type de composés pourrait avoir plusieurs autres conséquences incluant:
- L’augmentation du cholestérol sanguin
- L’hypertrophie de la prostate
- L’atrophie testiculaire
- La calvitie
- L’acné
- La gynécomastie (augmentation de la taille des glandes mammaires)
Informations complémentaires
La dysmorphie musculaire est considérée comme un trouble hypocondriaque, selon la Classification internationale des maladies (CIM-10). Elle se retrouve avec une gamme variée de présentations appelées « somatoformes ».
Pourquoi développe t'on la bigorexie?
Bien que la responsabilité de cette tendance soit fréquemment rejetée sur les normes de beauté associée à la culture occidentale contemporaine, la bigorexie est une condition d’origine multifactorielle.
Elle découle entre autres d’un environnement hypermasculin combiné à une certaine prédisposition individuelle (ex: faible estime de soi, tempérament narcissique).
L’éducation et les modèles de beauté ont également un impact considérable sur l’apparition du fort désir de modifier son apparence. D’ailleurs, il est si fréquent de voir des corps d’hommes extrêmement musclés autour de nous que l’on considère parfois ce physique comme étant idéal pour tous.
Voici quelques exemples de source d’inspiration qui pourraient déclencher une comparaison excessive chez les individus atteints de bigorexie:
- Figurines d’action ayant des physiques incroyablement musclés.
- Personnages de films ou de séries d’actions (ex: superhéros, combattants, policiers, gangsters, gladiateurs).
- Personnalités publiques aux corps découpés (ex: acteurs, athlètes, influenceurs).
- Publicités variées (ex: parfums, voitures, boissons énergisantes ou alcoolisées…).
Certains vont aussi tenter de modifier leur morphologie dans l’objectif de plaire davantage. Communément, on est aussi fréquemment porté à croire que les femmes sont davantage intéressées par les hommes plus athlétiques. Pourtant, la majorité d’entre elles ne sont pas attirées par les corps excessivement musclés.
Comment est-on diagnostiqué?
Avec la croissance de la popularité du culturisme et des entraînement en musculation, les insatisfactions corporelles ont malheureusement commencé à être de plus en plus répandues.
Malheureusement, peu d’études récentes ont évalué la présence de bigorexie dans la population générale. Cependant, selon une étude publiée en 2000, environ 10% des bodybuilders participants au projet présentaient des symptômes liés à la dysmorphie musculaire (source).
De plus, parmi les athlètes, jusqu’à 25% des hommes cisgenres peuvent être atteints de troubles alimentaires (source).
Signes d'avertissement
Voici quelques exemples de comportements fréquents chez ces individus:
- Considérer que s’entraîner très intensément et régulièrement est un accomplissement nécessaire pour atteindre les objectifs fixés. Ce désir de performance est présent même lorsqu’ils se sentent épuisé physiquement et mentalement.
- Tenter d’optimiser à tout prix leurs repas en incluant une grande proportion de protéines. Ces dernières sont souvent consommées à travers des poudres de protéines ou autres suppléments nutritionnels qui finissent par prendre une place considérable dans leur budget.
- Ressentir des insatisfactions corporelles constantes. Celles-ci peuvent pousser les individus à repousser les invitations sociales et à porter des vêtements plus couvrants (même lorsqu’il fait chaud l’été). Dans certains cas, on note une préoccupation liée à d’autres parties du corps (ex: peau ou cheveux).
- Associer une apparence physique musclée au succès et au bonheur.
Il n’est pas rare de voir une personne atteinte de bigorexie continuer de s’entraîner malgré avoir une blessure, ce qui peut mener à des douleurs chroniques. Et malheureusement, la situation peut se détériorer lorsque les réseaux sociaux ou traditionnels sont utilisés en tant source de motivation (#bodygoals).
Outils diagnostiques
À ce jour, il existe peu d’outils permettant de cibler la présence de dysmorphie musculaire. On utilise habituellement des questionnaires grand-publics tels que le Muscle Dysmorphic Disorder Inventory (MDDI).
Ces données étant autorapportées, elles sont d’une fiabilité moindre. Puisqu’il s’agit cependant d’un des seuls moyens de mettre le doigt sur cette condition, ce compromis devra être fait jusqu’à ce qu’une meilleure alternative soit disponible.
Voici un autre exemple de questions retrouvées dans ce genre de questionnaire:
« Préoccupation avec l’idée que son corps n’est pas suffisamment maigre et musclé. Les comportements associés caractéristiques comprennent:
- de longues heures passées à soulever des poids.
- une attention excessive par rapport à son l’alimentation.
La préoccupation se manifeste par au moins deux des quatre critères suivants :
- Renoncer fréquemment à d’importantes activités sociales, professionnelles ou récréatives. Ceci est fait en raison d’un besoin compulsif de maintenir son programme d’entraînement et son régime alimentaire.
- Éviter les situations où son corps est exposé aux autres. Parfois, de telles situations ne sont supportées qu’avec une détresse marquée ou une anxiété intense.
- Avoir une préoccupation concernant l’inadéquation de la taille corporelle ou de la musculature. Celle-ci provoque une détresse cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou d’autres domaines importants.
- Continuer de s’entraîner, de suivre un régime ou d’utiliser des substances améliorant la performance malgré la connaissance des conséquences physiques ou psychologiques néfastes.
La préoccupation centrale est d’être trop petit ou insuffisamment musclé. Par opposition, l’anorexie mentale est plutôt associée à la peur d’être gros. De plus, dans d’autres formes de dysmorphie corporelle on observe, au contraire, une préoccupation principale avec d’autres aspects de l’apparence. »
Des conséquences sérieuses
Si on exclut les effets secondaires des substances dopantes, la bigorexie est associée à une fréquence supérieure de:
- insuffisance rénale
- maladies cardiaques
- atteinte à l’estime de soi
- obsession vis-à-vis de l’alimentation
- perte d’emploi
- perte de la famille et des amis
- dépression et suicide
Témoignages
Ces citations tirées de la revue de la littérature Bodybuilding and muscle dysmorphia pourront t’aider à mieux comprendre le genre de contexte pouvant entourer la bigorexie:
Découverte du culturisme
. . . Je suppose que j'ai toujours été obsédé par la forme de mon corps. Enfant, j'étais maigre et j'avais l'habitude d'envier les garçons athlétiques populaires de l'équipe de rugby. J'ai commencé à soulever des poids quand j'avais environ 14 ans, en utilisant ce petit multi-gym à l'heure du déjeuner à l'école. J'ai découvert que j'étais assez fort pour ma taille et j'ai rapidement commencé à voir des résultats. Mes potes et moi avions l'habitude de nous amuser sur le siège arrière du bus scolaire, fléchissant nos biceps pour essayer d'impressionner les filles. Très vite j'ai découvert que j'avais les plus gros bras, ça m'a fait me sentir bien dans ma peau. . .
Utilisation de stéroïdes
J'ai fait trois cycles de stéroïdes au cours de la dernière année. Je ne vois pas ça comme de la triche, parce que tout le monde dans la salle les utilise. D'ailleurs, même avec du matériel, il faut encore passer toutes les heures à la salle et suivre le même régime, ils ne sont pas magiques.
Je sais que les stéroïdes sont mauvais pour vous à long terme, mais franchement, je ne me soucie pas de ma santé dans vingt ans. Je veux me sentir bien dans ma peau maintenant. Et les stéroïdes sont-ils beaucoup plus malsains que de vivre de la malbouffe comme la plupart des autres hommes de mon âge? Ces gens gâchent leur corps aussi.
La profession médicale est toujours très prompte à souligner les dangers des stéroïdes, mais je pense que cela est autant motivé par un désir puritain de contrôler ce que les gens mettent dans leur corps que par des faits concrets. Mon médecin n'en sait pas plus sur les stéroïdes anabolisants que l'homme moyen dans la rue. De mon côté, j'ai lu sur toutes les différentes structures chimiques des différents stéroïdes: Comment ils sont métabolisés dans le corps et tous les effets secondaires. J'ai éduqué moi-même et je sens que j'ai réduit le risque.
Bien que lorsque je suis sorti de mon dernier cycle, j'ai été vraiment déprimé. Je me suis même senti suicidaire pendant quelques semaines, ce qui m'a vraiment inquiété. Mais je ne veux pas arrêter de faire du jus maintenant parce que j'ai vu les résultats et je ne veux pas perdre cet avantage.
Comment s'en sortir?
Pour le moment, il n’existe malheureusement aucun conscencus concernant le traitement de la bigorexie. Plus d’études sont nécessaires pour obtenir des lignes directrices fondées sur des données probantes.
Selon l’étude Eating Disorders in Male Athletes, « les professionnels travaillant en étroite collaboration avec les athlètes sont particulièrement bien placés pour identifier et dépister ceux qui pourraient nécessiter une évaluation et un traitement plus approfondis. » Il est donc important de se tourner vers des experts en la matière, lorsque possible.
Des ressources fiables
Au besoin, n’hésite surtout pas à opter pour les services gratuits spécialisés en la matière tels que ceux de:
Références
- Muscle dysmorphia: A systematic and meta-analytic review of the literature to assess diagnostic validity.
- Bigorexia: bodybuilding and muscle dysmorphia.
- Relationship between orthorexia nervosa, muscle dysmorphic disorder (bigorexia), and self-confidence levels in male students.
- Eating Disorders in Male Athletes.
- The need for precision research on muscle dysmorphia: Special issue call for research on clinically diagnosed samples.
- The Adonis complex: The secret crisis of male body obsession.
- Body talk, athletic identity, and eating disorder symptoms in men
- Diagnostic and statistical manual of mental disorders (DSM-5®). American Psychiatric Association
- Muscle Dysmorphic Disorder Inventory (MDDI): Validation of a German version with a focus on gender