Quelle est la différence entre le fait de « manger santé » et le trouble alimentaire nommé orthorexie? Comment savoir si on est orthorexique?
T’as peut-être déjà entendu la phrase « quand manger sain devient obsessionnel »? Selon moi, ça décrit très bien cette condition mentale.
Par contre, comme c’est souvent le cas en nutrition, il existe un éventail de nuances à considérer lorsqu’on parle de cette condition. J’aimerais t’en présenter quelques-unes ici!
Table des matières
Obsession de manger sainement
Pour tâter le terrain et mieux cibler les champs d’intérêt entourant cette condition, j’ai commencé ma quête en me tournant vers mon ami Google. Les huit recherches les plus populaires entourant le mot « orthorexie » se trouvant ci-dessous ne m’ont franchement pas surprise.
Ce qui m’a sauté aux yeux en premier lieu c’est l’association avec le terme « perte de poids ». À travers cette mention, on confirme une fois de plus l’importance que prend le contrôle de la masse corporelle dans la tête des gens naviguant sur internet.
Ce qui m’a aussi fascinée ici c’est qu’un nombre considérable de gens auraient fait une recherche pour « recette orthorexie ». Bien franchement, je n’arrive pas à comprendre ce qu’ils espéraient trouver grâce à cela.
Une chose est certaine, plusieurs sont ceux qui ont cherché à comprendre le diagnostic, les symptômes, complications et traitements de cette condition. Ça tombe bien puisque j’ai prévu vous parler de tout ça ici en plus d’inclure un exemple de témoignage.
Qu'est-ce que l'orthorexie?
Le terme « orthorexie » a été utilisé pour la première fois aux alentours de 1998. Celui-ci provient du grec orthos, « correct » ainsi que orexis, « appétit ». Il décrit une obsession pour une alimentation considérée comme étant plus « saine ». L’orthorexie est donc le fait d’accorder une importance malsaine au fait d’avoir une alimentation saine.
Être concerné.e par la qualité nutritionnelle des aliments que l’on mange n’est pas un problème en soi. Avoir envie de manger des aliments nutritifs est sans aucun doute une bonne chose. Cependant, lorsqu’on souffre d’orthorexie, cette préoccupation prend toute la place et elle finit par nuire au bien-être général.
Comment est-on diagnostiqué?
Au moment d’écrire ces lignes, cette situation n’est pas formellement reconnue dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5) comme un trouble du comportement alimentaire (TCA). Cependant, la sensibilisation à l’orthorexie est en augmentation constante à travers le monde. Ainsi, cette lueur d’espoir me pousse à croire qu’au cours des prochaines années, les connaissances dans ce domaine pourraient se voir multipliées.
Sans critères diagnostiques fixes, il est ainsi plus difficile de cibler ces conditions. Tel que mentionné en introduction, ces comportements sont souvent valorisés dans notre société. On applaudit les gens qui font preuve de:
- discipline
- constance
- désir de performance
- perfectionnisme.
La croissance personnelle est très populaire. Cependant, celle-ci n’inclut pas toujours la dose de bienveillance nécessaire pour préserver sa santé mentale.
Du côté des spécialistes en santé mentale, aucun consensus n’a été obtenu. Il est donc difficile de savoir si l’orthorexie devrait être considérée comme un trouble alimentaire individuel ou une sous-catégorie d’autres syndromes déjà répertoriés.
Considérant tout cela, il est difficile d’obtenir une estimation précise du nombre de personnes atteintes d’orthorexie.
Outils diagnostiques
Lorsqu’on parle d’outils permettant le diagnostic de l’orthorexie, le Test de Bratman est fréquemment mentionné.
Ce dernier inclut 10 questions simples et il peut être complété rapidement. Cependant, il a été largement critiqué pour son manque de validité et sa faible fiabilité.
D’autres questionnaires visant à cibler la présence d’orthorexie ont été proposés. On y inclut entre autres le ORTHO-15, une option qui ne semble malheureusement pas plus intéressante que le Test de Bratman. Plus récemment, on a aussi introduit le TON-17 et le TON-40. Ceux-ci comptant respectivement 17 et 40 questions et semblent être plutôt prometteurs (source).
Questionnaire TON-17
- Je crains que trop d’aliments malsains ne soient disponibles.
- Je ne fais pas confiance à la nourriture préparée par une autre personne.
- Avant de manger quelque chose, je m’assure que le produit contient l’aliment santé approprié
certificats de qualité. - Je ne mange pas d’aliments OGM.
- Je n’accepte pas les aliments produits à base de pesticides dans mon alimentation.
- Je parle souvent d’aliments sains pour convaincre les autres de changer leur alimentation.
- Je fais très attention aux ingrédients des aliments que j’achète
- Je planifie chaque repas en détail.
- Les personnes qui mangent de la malbouffe mettent leur vie en danger.
- La santé est le plus important pour moi.
- Manger des aliments sains affecte considérablement ma qualité de vie.
- Mon alimentation me fait me sentir seul.
- En raison du régime alimentaire actuel, ma santé s’est détériorée.
- Mes proches, médecins ou autres travailleurs de la santé s’inquiétaient de ma santé
condition et m’a suggéré de changer mon alimentation. - J’ai relégué mes passe-temps et mes centres d’intérêt à l’arrière-plan en m’engageant dans une
mode de vie sain. - Je préfère manger un repas sain seul que de sortir avec des amis ou en famille pour manger
quelque chose. - Les pensées sur la qualité de la nourriture me tourmentent presque toute la journée.
Signes d'avertissement
-
- Désir de pureté alimentaire qui se traduit en une volonté d’éviter tout ce qui est transformé ou considéré comme « nocif » pour le corps. Les informations nutritionnelles sont aussi souvent tirées de sources à la validité parfois douteuse.
- Par exemple: éviter le gluten, le sucre, les produits laitiers, la viande, la cuisson des aliments…
- Besoin obsessif de lire et d’analyser les valeurs nutritives et listes d’ingrédients des aliments qu’on consomme.
- Peur de manger des repas, sans savoir ce qu’ils contiennent exactement (évitements phobiques).
- Isolement des situations sociales à travers lesquelles de la nourriture sera servie, incluant un stress important à l’idée de devoir manger des aliments qui ne figurent pas sur notre plan.
- Préoccupation qui demande énormément de temps et d’énergie en planification et optimisation des repas.
- Intérêt inhabituel pour la santé de ce que les autres mangent. Certains vont aussi suivre obsessivement des créateurs de contenu présentant de la nourriture et autres conseils pour avoir un mode de vie sain.
- Fierté disproportionnée découlant de sa capacité à respecter les stratégies établies.
- Dans certains cas, il peut aussi y avoir des problèmes d’image corporelle.
- Désir de pureté alimentaire qui se traduit en une volonté d’éviter tout ce qui est transformé ou considéré comme « nocif » pour le corps. Les informations nutritionnelles sont aussi souvent tirées de sources à la validité parfois douteuse.
Avec le temps, ces principes, de plus en plus sévères, mènent parfois à des apports énergétiques et nutritionnels insuffisants. Plusieurs émotions négatives sont ressenties lorsque les repas ne conviennent pas aux standards établis. On y comprend le sentiment de culpabilité, la nervosité, la tristesse et la frustration.
Conséquences médicales
Si la situation n’est pas prise en main, ceci peut entraîner une perte de poids involontaire et des carences en nutriments.
Avec le temps, ceci peut mener à ces troubles médicaux:
- ostéopénie
- anémie
- pancytopénie
- hyponatrémie
- acidose métabolique
- bradycardie
- problèmes gastro-intestinaux
- inflammation de l’estomac
Consulter un professionnel de la santé pourra réduire les risques de complications.
De plus, des études ont montré que certaines personnes atteintes d’orthorexie auraient également également des comportements associés au trouble obsessionnel-compulsif (TOC). La préparation méthodique ainsi que l’introduction de rituels figurent dans la liste de similitudes entres les deux conditions.
Il existe aussi une ressemblance notée avec l’anorexie mentale ainsi que le trouble de l’alimentation sélective et évitante (ARFID, Avoidant Restrictive Food Intake Disorder).
Un exemple plus concret
Si tu es intéressé.e par la question de l’évolution des troubles alimentaires et les composantes d’orthorexie, ces épisodes de podcast devraient te plaire.
Tu pourras y retrouver le témoignage de Natasha, une jeune femme ultra curieuse et attachante ayant eu plusieurs expériences avec des diètes et les troubles alimentaires. Tel qu’elle le mentionne, ceux-ci n’ont pas été diagnostiqués officiellement, mais la préoccupation excessive était bien présente.
Comment soigner l'orthorexie?
Peu nombreux sont ceux qui abordent le revers plus négatif de ces saines habitudes poussées à l’extrême. Lorsqu’on pense à des relations plus difficiles avec les aliments ou son corps, l’anorexie ou la boulimie sont les conditions qui nous viennent plus rapidement en tête. Pourtant, l’orthorexie est plus présente autour de nous qu’on peut le croire.
Pour cette raison, il est plus qu’essentiel de savoir la distinguer d’un réel mode de vie sain pour être en mesure de retrouver un équilibre bienveillant.
Quelles stratégies employer?
Le traitement de ces conditions implique généralement une psychothérapie en plus de rencontres avec un.e nutritionniste.
Dans ce contexte, l’objectif principal est d’augmenter la variété d’aliments consommés en intégrant une exposition progressive aux produits et ingrédients anxiogènes ou redoutés par l’individu. Le tout doit être fait graduellement et selon la tolérance/préférence de la personne concernée.
Des ressources fiables
Tu aimerais être bien accompagné.e dans tes démarches? Je t’invite à chercher des spécialistes en troubles alimentaires ayant une expertise auprès d’une clientèle ayant des caractéristiques semblables aux tiennes.
Pour ce faire, tu peux par exemple consulter le répertoire d’intervenants proposé par ÉquiLibre, Anorexie et Boulimie Québec (Aneb) et Maison L’Éclaircie.
Tu peux aussi lire cet article afin d’avoir davantage d’informations concernant la relation avec les aliments et son corps. Sur cette page, tu trouveras d’autres informations concernant les troubles alimentaires. Finalement, tu peux écouter la vidéo Bigorexie et orthorexie : qu’est-ce que c’est? réalisée en collaboration avec Noovo Moi si tu préfères ce format.
Références
- Development and Validation of the Test of Orthorexia Nervosa (TON-17)
- Associations between orthorexia, disordered eating, and obsessive-compulsive symptoms: A systematic review and meta-analysis
- Sex differences in orthorexic eating behaviors: A systematic review and meta-analytical integration.
- Orthorexia nervosa: A review of psychosocial risk factors.
-
- National eating disorders